Meudon : La Bataille du Village de Bellevue
- Jean Paul Torris
- 29 mars
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 31 mars
La caractéristique de la ville de Meudon est d’être une ville très étendue et peu dense : 9,9 km2 pour 46700 habitants, à comparer aux 6, 2 km2 de Boulogne-Billancourt et ses 120 000 habitants.Meudon est constitué de différents villages, séparé par la forêt de Meudon du quartier de grands ensembles de Meudon la Forêt qui jouxte Vélizy Villacoublay.
Bataille pour le Village de Bellevue
Le Village de Bellevue est un quartier historique et emblématique de Meudon. Situé sur les hauteurs et les flancs des coteaux de la Seine, face à l’Ile Seguin, il offre ainsi que son nom l’indique une magnifique vue sur tout Paris.
Cette vue a attiré dès le XVII eme siècle la construction de châteaux et bâtiments remarquables.Jouxtant Bellevue, le Chateau du Grand Dauphin, fils de Louis XIV, sera ruiné pendant la commune de Paris et incendié en 1871 et cédera la place à l’Observatoire de Meudon. Subsistent des jardins somptueux, les terrasses de l’Observatoire offrant des vues spectaculaires sur les boucles de la Seine et Paris.
Le château de la Pompadour Le village de Bellevue lui-même verra son château royal : en 1748, Louis XV achète un terrain situé au lieu-dit de « Beau Voir » sur le plateau de Meudon pour y construire une résidence de plaisance qui doit s’appeler Bellevue, en référence au magnifique panorama qui se découvre depuis cette propriété. Il offrira ce terrain à Madame de Pompadour, qui y édifie le château de Bellevue, dont les travaux sont achevés dès 1750. La Comtesse du Barry lui succédera. Pendant la Révolution le Château sera ruiné, puis détruit en 1823. C’est sur ce site que sera édifié le Village de Bellevue.
Le Grand Hôtel de Bellevue
Construit en 1846, l’Hôtel de Bellevue deviendra à la fin du 19eme siècle le Grand Hôtel de Bellevue, un des endroits les plus à la mode de Paris, qui abrite restaurant, orchestre et Casino. En 1913 il deviendra la propriété de la célèbre danseuse Isadora Duncan. En 1919, l’hôtel est racheté par l’Etat pour y loger l’Office National des Brevets, qui deviendra le CNRS. Le CNRS va progressivement s’étendre avec de nombreuses constructions et laboratoires disparates qui vont enlaidir le village et les coteaux. Le Grand Hotel devient le Pavillon Bellevue, aujourd’hui siège de la Délégation Ouest et Nord IDF du CNRS.
La rénovation du Pavillon Bellevue
En 2010, le CNRS décide de rénover le site de Bellevue, et en première étape en 2012 rénove le Pavillon et en dégage la vue depuis la place Aristide Briand , centre du Village, en détruisant une horrible barre de béton datant des années 30.Cette rénovation permet de mettre en valeur ce remarquable site.

Le rêve avorté du CNRS
Dans le même temps, la délégation IDF Ouest et Nord du CNRS, occupante des lieux, imagine un grand projet. Elle cède une vaste partie du domaine du CNRS qui n’est plus occupée que par des bâtiments désaffectés à un consortium de promoteurs, Vinci et Kaufmann et Broad, et demande en échange aux promoteurs de rénover à leurs frais les bâtiments qui jouxtent le grand hôtel, imaginant la construction d’un vaste campus. L’opération est imaginative car le CNRS aurait obtenu ainsi sans frais la rénovation et création d’un campus ultra moderne. De leur côté, les promoteurs projettent la construction de 200 logements sur un site remarquable qu’ils imaginent facilement rentabilisable.
Permis de construire en 2015
Sur cette base, le CNRS et les promoteurs obtiennent un permis de construire unique en 2015. Las ! Le rêve s’écroule. En effet le CNRS est un établissement public qui est placé sous la tutelle du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Or l’Etat n’entend absolument pas consacrer le fruit de la vente du terrain à la rénovation du CNRS. De facto, le projet se paralyse….
L’état force la main du CNRS
La vente du terrain ne se concrétise pas Or le permis de construire expire le 14 avril 2023. Il est clair que le CNRS, furieux d’être privé de son projet, a la ferme intention de ne rien faire et donc de tout faire capoter. Coup de théâtre : l’Etat veut son argent et la ministre intime l’ordre au CNRS de procéder à la vente à un prix que certains estiment « bradé ».Article du Canard Enchainé de Avril 23 :

L’Etat contraint le CNRS de faire un projet au rabais
S’estimant spolié, le CNRS s’enferme dans la politique du pire : ne rien faire de son projet de rénovation, et abandonner sa friche ruinée telle qu’elle sur la colline de Bellevue. Les riverains s’indignent de cette trahison et reçoivent le secours des Maires de Meudon et de Boulogne-Billancourt. Ce dernier regrette effectivement que la vue depuis Boulogne sur les coteaux de Meudon et l’emblématique Grand Hôtel ne soit définitivement gâchée par les bâtiments ruinés. Suivant leur intervention et les instructions de la Ministre, le Préfet des Hauts de Seine convoque le 5 juillet 2023 les riverains et les associations à la présentation d’un projet de rénovation. Hélas il s’agit d’un projet au rabais qui conserve le vieux bâtiment massif, continuant à défigurer le Grand Hôtel et ne respectant aucunement les engagements de sécurité promis aux riverains.
Les promoteurs commencent à vendre le projet « Vue en Scène »
Ceci n’empêche pas les promoteurs de commencer la commercialisation de leur grand ensemble de 200 logements, vu sur cette image. Image trompeuse car elle n’y fait figurer que le projet initial du CNRS et la vaste terrasse qui devait à l’origine mettre en valeur le Grand Hôtel.

La bataille du Centre Village commence : recours et contreprojets
Le projet du CSSM : le Comité de Sauvegarde des sites de Meudon, qui n’avait pourtant trouvé rien à redire lors du dépôt de permis en 2015, se mobilise contre « la destruction du Centre Village de Bellevue ». Avec habileté le CSSM exploite une faille juridique liée à la non-rénovation du CNRS qui rendrait illégale la construction d’un bâtiment de la future résidence. Cela permet au CSSM de déposer un recours, et de proposer en alternative un contre-projet, dévoilé en réunion publique le 18 juin 2024.Le contre-projet du CSSM propose une percée visuelle sur Paris et l’aménagement d’un jardin public en terrasse mettant bien en valeur le Pavillon Bellevue.

Le projet prévoit une large percée visuelle vers Paris depuis le centre-village à travers la création d’un mail planté et la création d’un belvédère. Il prévoit également la création d’un jardin public en terrasse mettant bien en valeur le Pavillon Bellevue.
Le projet de la Mairie de Meudon
A son tour la Mairie propose un projet global de réaménagement du centre village, visant à le rendre plus vivant et commerçant en y transférant le marché couvert de Bellevue pour créer une halle municipale permettant de créer un véritable centre village animé. Ce projet nécessite le rachat, voté en conseil municipal, du terrain de la société de Plomberie/Chauffagiste qui l’occupe, ainsi que d’une partie du terrain du CNRS. Le projet de la Mairie traite également l’environnement paysager du Grand Hôtel de façon séduisante et a reçu le soutien de l’Etat qui encourage la négociation avec les partenaires publics concernés.
Le projet de promotion est-il réversible ?
Malgré le recours engagé, les promoteurs ont démoli les anciens bâtiments et le centre village est désormais occupé par un vaste chantier d’où surgissent les premières constructions. La commercialisation en VEFA ( Vente en Etat Futur d’Achèvement) est impossible tant que les recours ne sont pas levés.
A ce stade, la demande de référé visant à faire arrêter les travaux a été rejetée par le Conseil d’Etat. Le recours sur le fond n’a pas encore été jugé, mais l’absence de date de fixation pour l’audience laisse planer un fort aléa juridique. On a du mal à imaginer à regarder cette image et après les dépenses considérables engagées pour la démolition, le creusement des fondations et des parkings sur un terrain difficile truffé de carrières anciennes qu’il a fallu combler, et enfin la construction des anciens bâtiments, qu’une décision de justice puisse annuler le permis de construire.

Le Tribunal peut-il imposer des modifications ou sommer le CNRS de se remettre en conformité avec le permis de construire original ? L’aléa juridique subsiste même il semble bien qu’il soit bien tard…
Le CNRS continue à faire le mort
Plus de son, plus d’image du côté du CNRS. Depuis la fameuse réunion préfectorale, le CNRS ne semble aucunement vouloir présenter un projet décent de réhabilitation. Tout semble indiquer que laisser à perpétuité cet immense mur ruiné et délabré satisfait cet organisme et l’Etat qui ont empoché les 36 Millions d’€ sans avoir aucune intention d’en respecter la destination.

La friche du CNRS va-t-elle défigurer pour longtemps le bâtiment historique ?
La sécurité en question sur le chemin des lacets
Si les riverains du CNRS avaient soutenu le projet de rénovation du chemin des lacets, c’est parce que la rénovation réglait un grave problème de sécurité concernant la sécurité du chemin des lacets qui dessert le haut du village de Bellevue vers la station de tramway Meudon Bellevue.Ce chemin très étroit présente un étranglement à l’aplomb de la muraille verticale du CNRS. Or le chemin des lacets connait une circulation très dense de piétons et de vélos. Le projet initial du CNRS promettait création de trottoirs et de voie de circulation douce par le recul de la façade. L’abandon du projet compromet gravement la sécurité du public qui emprunte quotidiennement ce chemin et qui y croise les voitures des riverains sans dégagement possible.

L’avis de l’AEOP Meudon
Nous regrettons vivement la trahison du CNRS et de l’Etat qui nous amènent à laisser le village de Bellevue défiguré par la friche délabrée et taguée du CNRS, visible par tous en particulier nos amis Boulonnais. Nous exigeons que les engagements initiaux prévus soient respectés, et la mise en sécurité du public assurée. Nous demandons au Préfet que le projet du CNRS soit amendé et fasse l’objet d’un permis de construire modificatif. Nous demandons à la Mairie de refuser ce permis s’il ne répond pas aux objectifs qui étaient clairement exprimés dans le permis accordé par elle en 2015 :
« Les terrasses de Bellevue constituent un élément remarquable et de grande valeur du patrimoine architectural et urbain de l’Ouest Parisien. La nécessaire modernisation du patrimoine du CNRS engage une réflexion sur une valorisation des terrains harmonieuse avec l’identité du quartier.
La destruction de la friche permet d’envisager un projet immobilier moins dense, moins haut, et qui laisse une place prépondérante aux espaces paysagers, et en particulier le long de la promenade du chemin des Lacets. La « forteresse du CNRS » va laisser place à un ensemble immobilier ouvert sur la vie du quartier.
Dans la continuité du tissu diffus de maisons étables à flanc de colline, le projet s’organise avec des percées visuelles et la création de terrasses offrant de beaux points de vue. L’échelle des constructions répond à celle des constructions existantes et à la continuité visuelle du relief. Le projet permet la mise en valeur du Pavillon Bellevue comme point singulier et remarquable sur la colline. »
Jean Paul Torris, AEOP, Mars 2025.
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